Dans une escalade de la crise diplomatique déjà explosive, la République démocratique du Congo (RDC) a récemment lancé une campagne choc aux Nations Unies. Kinshasa cherche la reconnaissance d’un « génocide » commis par le Rwanda et ses alliés dans l’est du pays. Cette démarche audacieuse, loin de passer inaperçue, a provoqué une vive réaction de la part de Kigali, qui a jugé la proposition « stupide » et « inadmissible ».
Cet article explore les enjeux de cette grave accusation, les réactions des deux camps et le contexte historique complexe qui alimente cette guerre des mots.
Le Déclenchement de la Crise : Une Campagne à l’ONU pour Briser le Silence
La RDC a décidé de porter l’affaire sur la scène internationale. En effet, le ministre congolais des Droits de l’Homme, Samuel Mbemba, a exhorté la communauté mondiale à « briser le silence » face à des « crimes massifs et systématiques » qui, selon lui, sont perpétrés par le Rwanda et ses groupes armés affiliés. Il a également déploré la réticence à prononcer le mot « génocide », qui, pour Kinshasa, correspond à la réalité des atrocités commises. Cette position est d’autant plus significative qu’elle vise à qualifier les événements d’une manière qui engage la responsabilité internationale du Rwanda.
La Riposte de Kigali : Une « Ligne Rouge » Infranchissable
De son côté, le Rwanda a réagi avec une force égale. Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a vivement condamné la campagne congolaise, la qualifiant de « stupide ». Il a soulevé des questions rhétoriques sur la cible du prétendu génocide : « Un génocide contre qui ? Des ethnies non tutsi ? Toutes ? Qu’on chercherait à détruire en tant que telles ? ». Pour lui, cette proposition n’a aucun sens. Par ailleurs, l’ambassadrice du Rwanda auprès de l’ONU, Urujeni Bakuramutsa, a enfoncé le clou en qualifiant les accusations de génocide de « ligne rouge » que Kinshasa ne devrait pas franchir, en référence aux sensibilités rwandaises liées au génocide de 1994.
Les Preuves Avancées par la RDC et les Rapports d’Enquête
Pour étayer ses accusations, Kinshasa s’appuie sur des témoignages et des rapports d’organisations internationales. Samuel Mbemba a notamment évoqué une mission d’enquête de l’ONU qui, tout en ne parlant pas de génocide, a signalé des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité » commis par toutes les parties au conflit, y compris le M23 (soutenu par le Rwanda) et l’armée congolaise. Plus spécifiquement, le ministre a cité un rapport de Human Rights Watch qui accuse le M23 d’avoir exécuté plus de 140 civils dans la région du parc national des Virunga. Ces massacres, a-t-il précisé, ont fait des milliers de morts et des centaines de milliers de déplacés depuis le début des hostilités.
Un Conflit aux Racines Profondes et Historiques jusqu’aux « Génocides »
Le conflit actuel est en réalité un écho de l’histoire tumultueuse de la région des Grands Lacs. La guerre frontalière est directement liée au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, qui a coûté la vie à 800 000 personnes. Après cet événement tragique, des centaines de milliers de Hutu, y compris des génocidaires, se sont réfugiés en RDC (alors le Zaïre). Certains ont formé les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe dont Kigali a toujours réclamé l’éradication.
Aujourd’hui, le groupe armé M23, soutenu par Kigali, a lancé une offensive meurtrière qui a permis la prise de Goma et Bukavu, les chefs-lieux des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Bien que le Rwanda n’ait jamais officiellement reconnu son implication directe sur le sol congolais, son soutien est une réalité largement documentée et source de tensions croissantes. La reconnaissance d’un « génocide » par la RDC n’est pas seulement une accusation; c’est une tentative de redéfinir le narratif du conflit et de mobiliser la communauté internationale pour une intervention plus musclée.
Rédaction HEKIMA NEWS
