À 76 ans, Simone Gbagbo refait surface sur la scène politique ivoirienne. L’ancienne première dame figure parmi les cinq personnalités dont la candidature à l’élection présidentielle du 25 octobre a été validée par le Conseil constitutionnel. Une annonce qui a surpris plus d’un et qui pourrait rebattre les cartes du jeu politique en Côte d’Ivoire.
Une adversaire de taille face à Ouattara
Simone Gbagbo affrontera le président sortant, Alassane Ouattara, 83 ans, au pouvoir depuis 2011 après la crise post-électorale sanglante qui avait suivi le scrutin de 2010. À l’époque, elle et son mari, l’ancien chef de l’État Laurent Gbagbo, avaient été capturés dans un bunker présidentiel.
Cette fois, l’ancien président n’est pas dans la course : sa condamnation pénale en 2018 l’empêche de se présenter, malgré une grâce présidentielle obtenue en 2020. Même sort pour l’ancien Premier ministre Pascal Affi N’Guessan et l’ex-patron de Credit Suisse, Tidjane Thiam, dont les exclusions soulèvent de sérieuses interrogations sur la crédibilité du scrutin. Thiam a d’ailleurs dénoncé une « élection truquée », orchestrée selon lui pour maintenir Ouattara au pouvoir.
La « Dame de fer » face à son destin
Surnommée autrefois la « Dame de fer », Simone Gbagbo est en passe de devenir la femme la plus crédible jamais candidate à la magistrature suprême en Côte d’Ivoire. Dans un pays où les femmes occupent encore une place marginale en politique – seulement 30 % des députés –, sa candidature a une portée symbolique considérable.
Aux côtés d’Henriette Lagou Adjoua, ancienne ministre et représentante d’une coalition pour la paix, elle est l’une des deux femmes retenues dans la compétition présidentielle.
Un passé lourd, un avenir incertain
Députée active, cofondatrice du Front populaire ivoirien (FPI), Simone Gbagbo a aussi été associée aux heures les plus sombres de l’histoire récente du pays. Condamnée à 20 ans de prison en 2015 pour son rôle dans les violences post-électorales ayant fait plus de 3 000 morts, elle a finalement été amnistiée en 2018 par Ouattara. Poursuivie également par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, elle a vu les charges abandonnées en 2021.
Depuis, elle a entrepris de reconstruire patiemment son image et son ancrage politique, quittant le FPI pour créer son propre mouvement. Sa campagne se veut désormais porteuse d’un message de refondation : « Construire une nouvelle nation » dans une « Afrique souveraine, digne et prospère ».
Entre symbole et calcul politique
Pour de nombreux observateurs, sa présence dans la course traduit un double enjeu. D’une part, elle donne un visage féminin à une présidentielle dominée depuis des décennies par des figures masculines. D’autre part, elle soulève la question du soutien éventuel de Laurent Gbagbo, son ancien époux et compagnon de lutte politique durant plus de 30 ans, dont elle est séparée depuis 2023.
« Elle n’est pas seulement une candidate, elle est devenue un symbole », estime l’analyste politique ivoirien Séverin Yao Kouamé.
Une campagne sous tension
La campagne officielle doit s’ouvrir le 10 octobre. Mais déjà, le climat politique reste fragile. L’exclusion de plusieurs figures majeures, l’âge avancé des principaux candidats et les souvenirs encore vifs des violences passées alimentent les craintes de nouvelles tensions.
Avec 8,7 millions d’électeurs appelés aux urnes, le scrutin s’annonce décisif. Tous les regards seront tournés vers Simone Gbagbo : parviendra-t-elle à incarner un renouveau politique ou restera-t-elle prisonnière d’un passé qui continue de hanter la Côte d’Ivoire ?
Rédaction HEKIMA NEWS
